La dépression, déclencheur d’obésité?

Un certain type de dépression entraînerait un surpoids, parfois des années après sa guérison. C'est la découverte surprenante qu'a faite en 2016 la cohorte CoLaus|PsyCoLaus.

Dépression et obésité: un cocktail explosif et bien connu des scientifiques. Toutefois les mécanismes qui permettraient d'expliquer ce cousinage demeurent peu clairs. Les scientifiques de la cohorte CoLaus|PsyCoLaus ont cherché à pallier ces lacunes, en évaluant l'état de santé de 3000 Lausannoises et Lausannois. 

Identifier le type de dépression

«Nous avons suivi ces personnes sur cinq ans, en mesurant leur état psychologique et physique, explique Aurélie Lasserre, cheffe de clinique adjointe au Service d’alcoologie du CHUV et co-auteure de l'étude. Les examens sont très complets et prennent en compte l'environnement de la personne, son histoire personnelle et médicale. Le but est de pouvoir éliminer tous les autres facteurs pouvant potentiellement mener à l'obésité.»

Cette étude répond à l’objectif de recherche principal de la cohorte CoLaus|PsyCoLaus démarrée en 2003: mieux comprendre le lien entre les maladies cardiovasculaires et psychiatriques telles que la dépression. 

Les chercheurs ont ainsi isolé quatre sous-types de dépression, leur permettant de constater qu'un seul d'entre eux présentait un haut risque d'obésité: le sous-type atypique. «Pour diagnostiquer cette forme de dépression, il faut réunir au moins trois des cinq facteurs suivants: réactivité de l’humeur, augmentation de l'appétit, du sommeil, lourdeur des membres et l’hypersensibilité au rejet social (rejet par d'autres personnes, ndlr)», explique la chercheuse. En comparant des personnes n'ayant jamais fait de dépression, avec celles ayant vécu au moins une fois un épisode atypique, l'étude révèle que ces dernières courent non seulement un risque accru d'obésité, mais également de diabète. 

Les scientifiques ont aussi montré que les antidépresseurs ne causent pas la prise de poids durant et après un épisode de dépression atypique: ils envisagent alors d'éventuels facteurs biologiques pour expliquer ce phénomène. «Certains mécanismes de régulation du corps, inflammatoires, hormonaux, ou liés au stress, sont déréglés par la dépression et pourraient à leur tour impacter la prise de poids. Mais à l'heure actuelle, ce sont encore des hypothèses», explique Aurélie Lasserre. 

Enjeux majeurs pour la santé publique

«On assiste actuellement à une épidémie d'obésité fulgurante, un peu partout dans le monde. Il est essentiel d'en étudier tous les aspects, en investiguant aussi le psychisme, souligne la scientifique. Parallèlement, la dépression possède de réels impacts sur le corps. On doit chercher à mieux les comprendre, d'autant que les deux troubles influencent fortement les coûts de la santé.»



Ces premiers résultats laissent envisager de nouvelles pistes de recherche pour l'étude des deux maladies. «Cela devrait rendre les chercheurs et cliniciens attentifs à la coloration de la dépression. Qu'ils soient sensibilisés au sous-type ‘atypique’, pour améliorer la prise en charge des patients diagnostiqués avec cette pathologie et la prévention des risques cardiovasculaires.» 

En savoir plus


Depression with atypical features and increase in obesity, body mass index, waist circumference, and fat mass: a prospective, population-based study. DOI: 10.1001/jamapsychiatry.2014.411.